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Les échecs, un art ?​

"Les réformistes prétendent que les progrès de la théorie conduiront à la disparition des échecs, et qu'il faut, pour leur rendre vie, en remanier les règles. En réalité, qu'exprime cette affirmation ? Le mépris de l'intuition, de l'imagination et de tous les autres éléments qui font des échecs un art."

Alexandre Alekhine (1892-1946)

  • Qu'est-ce que l'art ?

     L'art est le plus souvent associé à l'idée de création d'un objet visible par tout le monde et pour un temps plus ou moins infini (peinture, sculpture). Toutefois, la notion d'art évoque également les Å“uvres nécessitant d'être recréée perpétuellement (musique, danse). Le point commun est que toutes ces Å“uvres doivent s'adresser délibérément aux sens, aux émotions et à l'intellect.
La liste des différents arts n'est pas universelle et peut donc changer d'une civilisation à une autre, d'un pays à un autre ou d'un continent à un autre.
L'idée d'une classification des arts vient de Hegel (1770-1831) dans son ouvrage Esthétique ou philosophie de l'art. Selon lui, les six arts majeurs sont : l'architecture, la sculpture, la peinture, la danse, la musique et la poésie.
Aujourd'hui, le cinéma est considéré comme étant le « septième art Â». Certains rajoutent également la cuisine, le théâtre, la littérature, la photographie, la mode, la bande dessinée ou même les jeux vidéos.

"La partie de l'Opéra", après avoir sacrifié de nombreuses pièces Paul Morphy fait échec et mat avec ses deux seules pièces restantes.

  • Les échecs, une passion envoûtante

     Les échecs sont une activité qui nécessite d'y être impliqué corps et âme au point que le temps semble s'être arrêté pour les joueurs. Bobby Fischer qui dominait le monde des échecs, environ de 1960 à 1972, expliquait d'ailleurs sa supériorité de cette manière : « Je donne 98% de mon énergie mentale aux échecs. Les autres n'en donnent que 2% Â».
En regardant une partie d'échecs comme on pourrait admirer un tableau, il est possible de ressentir les sentiments des joueurs, esquisser leur caractère, etc. Il est d'ailleurs facile de remarquer que la façon de jouer d'une personne timide de nature est totalement différente de celle d'une personne extravertie, susceptible ou casse-cou.

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« A chaque défaite, on perd un peu de soi. Â»  Joël Lautier (né en 1973)
Les échecs sont une activité qui apporte beaucoup d'adrénaline. Ils sont d'ailleurs considérés officiellement comme un sport depuis l'année 2000 (d'un point de vu physique, ils pourraient s'apparenter à la course d'endurance). Lorsqu'un joueur s'aperçoit avoir joué un mauvais coup, il ressent un pincement au cœur, celui-ci s'arrêtant même parfois de battre pendant une fraction de seconde. En effet, on ne peut s'en prendre qu'à soi-même et cela fait mal à notre fierté. Mais bien sûr, certains joueurs tentent de se trouver des excuses plus ou moins valables...

Les échecs sont donc un jeu où les sentiments s'entremêlent et s'entrechoquent comme chez les artistes exerçant leur art : plaisir, joie, fierté, désir, espérance / tristesse, déception, rancœur, regret, etc.​

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« Les échecs, c'est la vie. Â»  Bobby Fischer
Tout comme la folie hante de nombreux artistes, elle hante également certains joueurs d'échecs qui prennent leur passion trop à cÅ“ur. C'était par exemple le cas de Bobby Fischer qui, après avoir pris sa retraite, a sombré dans la folie. Plusieurs joueurs ont également des problèmes d'alcoolisme comme ce fut le cas pour Alekhine, par exemple. Le roman de Walter Tevis Le jeu de la dame  (1983) illustre d'ailleurs très bien ce problème.

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  • Les échecs, un art dans son essence

     Pour les passionnés, les échecs sont un art de par la beauté des combinaisons inventées par  les grands maîtres. Pour eux, les échecs ne sont plus un affrontement ludique entre deux joueurs mais plutôt un lieu où sont mis en compétition créativité, imagination, intuition, audace, ingéniosité, etc. On peut noter que ces éléments sont présents dans tous les arts.
Les amateurs et professionnels retracent donc avec admiration certaines parties considérées comme des chefs d'Å“uvres (ex : « la partie de l'Opéra Â» (1858) du célèbre joueur Morphy (1837-1884), « la partie du siècle Â» (1956) opposant Donald Byrne (1930-1976)​ et Bobby Fischer (1943-2008)​ alors âgé seulement de 13 ans, ...) et s'en inspirent par la suite. Il arrive parfois d'ailleurs dans les compétitions qu'un « Prix de beauté Â» soit décerné à la plus belle partie du tournoi.
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"Les Noirs abandonnent", huile et feuille d'or sur toile

Juta & Mareks

"Assurément je connaissais par expérience le mystérieux attrait de ce "jeu royal", le seul entre tous les jeux inventés par les hommes qui échappe souverainement à la tyrannie du hasard, le seul où l'on ne doive sa victoire qu'à son intelligence ou plutôt à une certaine forme d'intelligence. Mais n'est-ce pas déjà le limiter injurieusement que d'appeler les échecs un jeu ? N'est-ce pas une science, un art ou quelque chose qui, comme le cercueil de Mahomet entre ciel et terre, est suspendu entre l'un et l'autre, et qui réunit un nombre incroyable de contraires ? [...] C'est une pensée qui ne mène à rien, une mathématique qui n'établit rien, un art qui ne laisse pas d'œuvre, une architecture sans matière; et il l'a prouvé néanmoins qu'il était plus durable, à sa manière, que les livres ou que tout autre monument, ce jeu unique qui appartient à tous les peuples et à tous les temps, et dont personne ne sait quel dieu en fit don à la terre pour tuer l'ennui, pour aiguiser l'esprit et stimuler l'âme. Où commence-t-il, où finit-il ?"

​Le joueur d'échecs​, nouvelle de Stefan Zweig ​(1943)

"Qu'est-ce que les échecs selon vous ? Ceux qui font une partie de temps en temps jugent ce jeu trop complexe. Ceux qui consacrent leur vie veulent que l'on en parle comme d'une science. Mais c'est faux aussi. Bobby Fischer qui a étudié à fond ce jeu comme personne a pu trouver ce que c'était. C'est un art."

A la recherche de Bobby Fischer, film de Steven Zaillian (1993)​​

 

→ Ainsi, les échecs, pour sa beauté et le mélange de sentiments, pourraient être considérés comme un art créant des œuvres nécessitants d'être toujours recommencées comme en musique et en danse. Les échecs ont d'ailleurs été maintes fois comparés à la musique.​

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